Marché du Private Equity en 2025

Nous faisons un point sur l’évolution récente du secteur du Private Equity, en France et dans le monde, et identifions les tendances de 2025.

Marché du Private Equity en 2025
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Investir efficacement requiert de bien comprendre l’environnement de marché. Cette semaine, nous faisons un point sur l’évolution récente du secteur du Private Equity, en France et dans le monde, et identifions les tendances de 2025. Après une décennie 2010-2020 de croissance ininterrompue (actifs sous gestion globalement passés de 2 000 à plus de 4 500 milliards de dollars), le capital-investissement a traversé des zones de turbulence en 2022-2023 (choc Covid, inflation et hausse des taux d’intérêt, tensions géopolitiques). Où en sommes-nous en 2025 ? Quels segments offrent de nouvelles opportunités ? Quelles sont les tendances émergentes (technologiques, réglementaires, stratégiques) à connaître ? À l’aide d’études et de données récentes, nous allons dresser un état des lieux et discerner les perspectives pour les investisseurs.

État du marché : résilience et reprise progressive des transactions

Malgré un contexte macroéconomique chahuté depuis 2022, le Private Equity fait preuve d’une certaine résilience. En France, après un record en 2021, l’activité est restée soutenue en 2022-2023 avec un léger repli puis un rebond fin 2023. Selon France Invest, 31,2 Md€ ont été investis en 2023 dans 2 748 entreprises (non cotées ou projets d’infrastructure). Certes, c’est un peu en deçà de 2022, mais le second semestre 2023 a montré une nette reprise (+6 % en montants vs S1). Les secteurs de l’industrie et des énergies renouvelables ont été particulièrement dynamiques, témoignant d’une réorientation des investissements vers des domaines stratégiques pour la souveraineté et la transition climatique. Le président de France Invest indique que « dans un monde qui a beaucoup changé depuis 2022, le niveau d’activité de notre industrie est resté significatif en 2023 », soulignant la capacité d’adaptation du secteur face à la hausse des taux d’intérêt et à l’inflation.

Sur le plan mondial, 2024 a vu un début de reprise du marché des fusions-acquisitions alimentée par quelques signaux positifs : une stabilisation (voire baisse) des coûts du capital et le besoin pour de nombreux fonds de déployer leur “dry powder” accumulé. Le dry powder (poudre sèche) désigne les liquidités non encore investies dans les fonds : or, celles-ci ont atteint des niveaux records fin 2024 après les levées massives des années précédentes. Les fonds disposant de beaucoup de capital à investir, combiné à des valorisations d’entreprises plus raisonnables qu’en 2021 (elles ont baissé dans certains secteurs en 2022-23), incitent à une reprise des deals. PwC anticipe pour 2025 une accélération de l’activité M&A impliquant des fonds, avec un rattrapage en France qui était en retard sur la reprise observée aux US fin 2024. Un facteur technique soutient ce mouvement : de nombreuses participations en portefeuille sont détenues depuis plus longtemps que d’habitude (les sorties avaient ralenti pendant la pandémie puis en 2022), donc beaucoup de fonds vont chercher à céder ces participations “mûres” dans les 1-2 ans à venir. Cela crée un flux d’opportunités aussi bien en entrée (pour acquéreurs de ces entreprises) qu’en sortie (pour les fonds vendeurs qui retournent capital et peuvent relancer de nouveaux véhicules).

En même temps, on observe une polarisation marquée du marché : les actifs de grande qualité (entreprises résilientes, à forte croissance ou très profitables) continuent de se vendre à des valorisations élevées, soutenues par des acheteurs prêts à payer cher pour la rareté de ces pépites. À l’inverse, les entreprises plus moyennes ou cycliques souffrent de valorisations déprimées. Il y a donc un écart croissant entre “les plus performants et les autres”, tant au niveau des actifs que des sociétés de gestion elles-mêmes : les meilleurs fonds (top quartile) continuent de lever aisément, tandis que les acteurs moins établis peinent davantage et envisagent des consolidations. En effet, un autre trend est la concentration du secteur : on assiste à des rapprochements entre sociétés de gestion et à l’émergence de plateformes multi-stratégies (un même gestionnaire offrant du venture, du buyout, de la dette privée, de l’infra…) afin de répondre aux exigences accrues des investisseurs et des régulateurs (en matière d’ESG, de compliance, de reporting). Les grands acteurs diversifiés (par ex. Ardian, Blackstone, KKR) creusent l’écart avec de plus petits gérants mono-produit. Pour un investisseur, cela signifie souvent une préférence pour les fonds gérés par des équipes ayant taille critique et ressources pour performer dans ce nouvel environnement exigeant.

Un phénomène notable est l’essor des fonds de continuation (continuation funds) : il s’agit de véhicules par lesquels un gestionnaire vend une ou plusieurs entreprises de son portefeuille à… lui-même, via un nouveau fonds créé pour prolonger l’accompagnement au-delà de la durée initiale. Ces montages (considérés comme du marché secondaire GP-led) représentent désormais une part significative des sorties : en 2024, 1 sortie sur 6 dans le monde était un deal de continuation. En 2025, on s’attend à une augmentation conséquente de ce type d’opérations, y compris en France. Cela offre aux LPs sortants une liquidité anticipée, tandis que de nouveaux investisseurs entrent pour prolonger l’investissement sur l’actif en question. En tant qu’investisseur particulier, cela peut se traduire par des opportunités d’investissement dans ces fonds de continuation (certains sont accessibles via les plateformes ou produits dont on a parlé en semaine 2).

En somme, le marché 2025 du Private Equity est partagé entre des signes de reprise (retour des transactions, abondance de capital à investir, valorisations plus attractives qu’il y a 2 ans sur certains segments) et des défis persistants (contexte géopolitique incertain, inflation qui pèse sur les marges des entreprises, financement bancaire moins aisé). Le maître mot semble être sélectivité : les investisseurs vont focaliser sur les meilleurs actifs, les meilleurs gérants, et les entreprises capables de naviguer dans un environnement plus contraignant.

Tendances sectorielles et opportunités émergentes

Quelles sont les nouvelles opportunités en 2025 ? Plusieurs secteurs et thèmes se détachent comme particulièrement attractifs pour le Private Equity cette année :

Technologie et transformation numérique – Sans surprise, la tech reste un terrain de jeu majeur. Mais plus précisément, c’est la vague de l’Intelligence Artificielle (IA) générative qui suscite l’enthousiasme. Selon Morgan Stanley, “l’impact de l’IA générative sur la performance du marché privé sera un thème d’investissement majeur en 2025”. Les fonds de Private Equity cherchent soit à investir dans des startups “IA-native” (c’est-à-dire dont le produit ou service est centré sur l’IA), soit à accompagner des entreprises traditionnelles dans l’adoption de l’IA pour booster leurs revenus et marges. On peut s’attendre à de nombreuses opérations dans la Data Economy (centres de données, solutions cloud optimisées, cybersécurité liée à l’IA) et dans les applications verticales de l’IA (santé, finance, industrie 4.0). Par exemple, des PME éditeurs de logiciels intégrant de l’IA dans leurs outils métiers pourraient être ciblées par des fonds growth. Également, la thématique de la digitalisation continue de porter des deals dans tous les secteurs (e-commerce, fintech, edtech, etc.). Les investisseurs particuliers peuvent surfer sur cette tendance en ciblant des fonds spécialisés Tech ou en investissant via des plateformes sur des startups IA prometteuses. Attention toutefois à la valorisation de certaines startups IA très médiatisées – elles peuvent être élevées, donc bien évaluer le potentiel à long terme.

Transition énergétique et climat – Le sujet climatique est désormais au cœur de nombreuses stratégies d’investissement. En 2025, avec l’augmentation des contraintes réglementaires (réduction des émissions, prix du carbone) et les avancées technologiques vertes, les fonds voient une double opportunité : faire un investissement utile pour la planète et générer du profit. On constate un essor des fonds “Impact” ou infrastructures vertes. Par exemple, des fonds se spécialisent dans le financement de projets d’énergies renouvelables (solaire, éolien, biogaz) ou dans des entreprises offrant des solutions de décarbonation (stockage d’énergie, mobilité propre). L’étude de PwC mentionnait que de grandes entreprises procèdent à des carve-outs (cession de divisions non stratégiques) qui peuvent inclure des activités liées à l’énergie ou l’environnement, ouvrant ainsi la voie à des acquisitions par des fonds. Les investisseurs particuliers peuvent accéder à cette tendance via des véhicules comme les FCPR Green (il en existe axés transition énergétique) ou via des plateformes de crowdequity dédiées à la Greentech (ex : LITA.co comme on l’a vu). Par ailleurs, notons le succès du fonds AxClimat I d’Anaxago, qui montre l’appétit pour cette thématique. En un mot, la transition énergétique n’est plus seulement un impératif moral, c’est un chantier économique colossal dans lequel le Private Equity a un rôle clé à jouer (financer des PME innovantes du secteur, consolider des acteurs pour les faire changer d’échelle, etc.).

Santé et biotechnologies – Le secteur de la santé reste très porteur pour le non coté. Les biotechs, medtechs et la santé digitale ont souffert en bourse en 2022, mais cela a rendu certaines valorisations privées plus attractives. Les fonds de venture biotech sont en quête de molécules prometteuses (oncologie, thérapie génique…), et les fonds de buyout s’intéressent aux acteurs des services de santé (cliniques, laboratoires d’analyses, fabrication de dispositifs médicaux). En France, la filière French Tech Health reste dynamique. Pour un investisseur, c’est un domaine à double tranchant : très innovant mais très risqué (surtout en biotech pure, où l’échec clinique guette). Il existe des plateformes dédiées (ex : Wiseed avait une branche WiSEED Medtech par le passé), et des fonds spécialisés (comme Jeito Capital en France, orienté biopharma). La santé répond à des tendances de long terme (vieillissement de la population, besoins médicaux croissants) qui en font un domaine défensif et de croissance à la fois.

Infrastructure et private equity “alternatif” – Une tendance de fond est l’élargissement du périmètre du Private Equity vers des actifs réels ou tangibles. Beaucoup de grands gérants ont lancé des stratégies infra, immobilier (private equity real estate), dette privée, etc. En 2025, l’infrastructure attire car c’est un secteur stable, générateur de cash-flows (énergie, télécoms, transport…). On voit apparaître des offres pour particuliers d’investir dans les infrastructures via des fonds spécifiques ou des obligations non cotées. Par ailleurs, le segment du Private Equity Secondaire (rachat de parts de fonds existants) monte en puissance : face à l’illiquidité des fonds, certains investisseurs cherchent à vendre leurs parts avant terme, et des fonds secondaires se positionnent pour les acquérir à prix décoté, offrant ainsi potentiellement des rendements attractifs avec moins de risque (car le portefeuille d’actifs est déjà en partie connu). Pour un investisseur, il est difficile d’accéder directement aux transactions secondaires institutionnelles, mais certains FCPR grand public commencent à inclure une part de secondaire (par ex. le fonds Opale Stratégies Secondaires cité via Ramify). Les co-investissements sont également un angle intéressant : de plus en plus de fonds invitent leurs souscripteurs à co-investir sur des deals spécifiques, ce qui permet d’allouer plus de capital sur une entreprise donnée sans frais additionnels. Cette pratique offre aux initiés la possibilité d’un meilleur rendement net (pas de double frais) et d’un investissement ciblé, et elle tend à se développer – certaines plateformes comme Moonfare ou Alpian proposent des co-investissements directs sur certaines transactions aux côtés des fonds.

Tendances émergentes et évolution de la demande des investisseurs

Démocratisation et retailisation – On l’a abordé précédemment : l’une des grandes tendances du Private Equity récent est son ouverture aux investisseurs non institutionnels. Les particuliers fortunés allouent une part croissante de leurs portefeuilles au non coté, à tel point que les banques privées ont toutes développé des offres dédiées. En 2025, on parle même d’une cible mass affluent (épargnants aisés mais pas nécessairement millionnaires) via les produits ELTIF 2.0 qui abaissent le minimum à quelques milliers d’euros. Cette démocratisation s’explique par la recherche de diversification face aux faibles rendements obligataires des années 2010 et par l’attrait de la surperformance du private equity sur le long terme. Pour les fonds, c’est une nouvelle source de capitaux : on voit des géants comme Blackstone créer des fonds semi-liquides “grand public” (aux USA, le BREIT en immobilier a été un précurseur). En Europe, 2025 pourrait voir l’essor de fonds équivalents en Private Equity. Concrètement, pour un investisseur individuel, cela signifie plus de choix pour accéder à ces placements – mais aussi la nécessité de bien comparer les offres et de rester prudent face à un marketing parfois trop embellissant. Les régulateurs (AMF, ESMA…) surveillent ce mouvement pour s’assurer que Monsieur Tout-le-Monde ne se retrouve pas avec des actifs illiquides non compris.

ESG et critères extra-financiers – Enjeux ESG (Environnement, Social, Gouvernance) sont omniprésents. Les fonds de PE doivent rendre des comptes sur leurs pratiques : intégration de critères ESG dans les décisions d’investissement, reporting d’impact, etc. Beaucoup de LPs (investisseurs dans les fonds) l’exigent. En 2025, investir en Private Equity c’est souvent aussi regarder l’impact généré. Des labels apparaissent (ex : label France Relance, label GreenFin…) orientant l’épargne vers des fonds vertueux. Pour les particuliers, cela donne une grille de lecture supplémentaire : on peut choisir un fonds non coté en fonction de son score ESG ou de sa contribution à certains Objectifs de développement durable (ODD). Par exemple, un FCPR dédié à l’entrepreneuriat féminin, ou un fonds venture orienté greentech. On peut y voir une contrainte (il faut analyser plus de données extra-financières) mais aussi une opportunité (les entreprises bien notées ESG pourraient mieux performer à long terme, car moins de risques de scandales, meilleure réputation, etc.).

Taux d’intérêt et ingénierie financière – La remontée des taux depuis 2022 a un impact important sur le Private Equity, qui utilisait largement la dette bon marché pour financer les LBO. En 2025, les taux se sont stabilisés mais à un niveau plus haut qu’il y a 3 ans. Cela incite les fonds à être plus créatifs : on voit un regain d’intérêt pour les stratégies de Private Debt (dette privée) en complément du Private Equity : certains investisseurs préfèrent prêter aux entreprises (obligations privées) à 8-10 % plutôt que d’entrer au capital, car c’est moins risqué et les taux élevés rendent ce rendement atteignable. Les fonds de LBO, eux, ciblent peut-être des entreprises avec moins de dette ou structurellement forte génération de cash pour supporter la charge d’intérêt. Pour un investisseur particulier, c’est l’occasion de diversifier aussi avec des produits de dette privée (ex : Euro PP, fonds de direct lending) qui sont parfois accessibles via assurance-vie. Néanmoins, sur la partie equity pure, un environnement de taux plus normaux peut aussi faire baisser les valorisations d’entrée, ce qui est une bonne chose : payer 8x l’EBITDA plutôt que 12x pour une PME, c’est potentiellement un multiple de sortie plus grand et moins de pression pour le fonds. D’ailleurs, des professionnels comme Thomas Rigaudeau (Kray&Co) estiment que « la baisse des valorisations va redonner du volume au marché » du Private Equity, en réactivant des transactions rendues impossibles par les prix trop hauts récemment.

Sorties par le biais des marchés publics – Fait intéressant, après une période creuse, les introductions en bourse (IPO) commencent à reprendre fin 2024-début 2025. Plusieurs “licornes” européennes du digital préparent leur IPO. Une fenêtre s’ouvre peut-être pour que les fonds de venture monétisent certaines participations via le marché boursier. Si les IPO redeviennent à la mode, cela accélérera les retours pour de nombreux fonds et prouvera la liquidité de l’actif. En tant qu’investisseur en Private Equity, une IPO est souvent un moment favorable (on récupère des actions cotées que l’on peut vendre, ou le fonds vend en offrant un multiple). Surveiller l’état du marché boursier est utile : un marché actions haussier aide le Private Equity (valorisations de sortie plus élevées, appétit pour des IPO). En 2025, l’optimisme prudent semble de mise quant à la capacité du marché à absorber de nouvelles introductions, du moins sur les secteurs tech et santé où l’appétit demeure.

En conclusion de cette revue de tendances, on peut dire que le Private Equity en 2025 est à un tournant : après avoir surperformé les autres classes d’actifs sur 10 ans (13,3 % vs 10,5 % pour le CAC 40), il doit maintenant tenir ses promesses dans un contexte plus complexe. Les professionnels restent confiants dans la capacité du capital-investissement à générer de la valeur même en période plus difficile : « Les performances robustes du capital-investissement, comparées favorablement aux autres classes d’actifs, sont une démonstration tangible de la capacité de notre profession à accompagner les entreprises à travers les cycles » soulignait le président de France Invest. Pour l’investisseur, cela signifie qu’il y a toujours des opportunités intéressantes, mais qu’il faut être plus sélectif que jamais. Miser sur les bonnes stratégies (ex : secteurs porteurs comme l’IA ou la transition climatique), les bons véhicules (fonds solides, plateformes fiables) et garder une vision de long terme permettra de tirer parti de cette classe d’actifs dans le nouveau cycle qui s’annonce.